Accompagner des jeunes dans leur quotidien, les aider à se construire et à trouver leur place dans la société : c’est l’engagement des professionnel·les qui travaillent auprès des mineur·es non accompagné·es (MNA). Forte de nombreuses années d’expérience, Fatima, éducatrice dans un foyer à Lausanne, nous partage son parcours, ses défis et ce qui rend ce métier aussi riche humainement.

En quoi consiste votre poste ?
Mon rôle est d’accompagner des jeunes mineur·es non accompagné·es en leur offrant un cadre sécurisant, une écoute bienveillante et un soutien adapté à leurs besoins. L’objectif est de les aider à avancer dans leur projet de vie et à gagner en autonomie, tout en leur transmettant des valeurs essentielles comme le respect, la tolérance, la solidarité et la persévérance.
On travaille aussi beaucoup avec les partenaires, tels que les représentant·es légaux·ales, les infirmier·ères, l’école, les psychologues et d’autres acteurs qui gravitent autour du jeune. Cette collaboration et ce partage de compétences enrichissent notre approche, tant sur le plan professionnel qu’humain !
Enfin, on les aide à se construire pour réussir leur insertion sociale dans le pays d’accueil. Accompagner un·e jeune, c’est toujours un pari sur l’avenir. Il faut savoir déléguer, communiquer, analyser les situations et tenir compte de leur parcours et de leur contexte socio-culturel. La confiance se tisse avec le temps et la patience, des éléments indispensables pour permettre à chacun·e d’avoir suffisamment confiance en soi et découvrir le monde.
Quels sont les aspects du métier que vous appréciez ? Quels sont les défis ?
Ce que j’aime dans ce métier, c’est le contact humain. J’aime contribuer à l’épanouissement des jeunes, par la valorisation de leurs ressources : chaque personne, même en difficulté, possède ses propres ressources. Il s’agit de leur faire confiance et de leur donner les moyens de les développer.
J’apprécie aussi l’engagement humain que cela implique : offrir un soutien aux personnes fragilisées, quelle que soit leur situation. C’est une profession valorisante qui repose sur le partage de valeurs essentielles comme le respect, la solidarité, la bienveillance et l’empathie. On vit aussi cette richesse d’échanges en partageant nos connaissances avec les collègues.
Le plus grand défi, c’est de permettre à chaque jeune de trouver sa place dans la société et de se construire, malgré les traumatismes et les difficultés du quotidien. Et qu’il puisse réaliser son rêve, dans la mesure du possible.
Pouvez-vous nous décrire une journée type en tant qu’éducatrice ?
Le travail s’organise en deux équipes : une équipe du matin et une équipe du soir.
Le matin, on aide les jeunes qui ont des difficultés à se lever, même si, avec le temps, la plupart deviennent autonomes pour aller à l’école. On leur prépare le petit-déjeuner et on partage parfois ce moment avec eux, ou on les laisse tranquilles selon leurs envies.
Les matinées sont souvent consacrées aux accompagnements : rendez-vous médicaux, entretiens avec un·e curateur·trice ou un·e psychologue. En l’absence de rendez-vous, nous profitons de ce temps pour échanger avec nos partenaires et mettre à jour nos journaux sociaux.
À midi, nous encourageons les jeunes à manger à l’extérieur, par exemple à la cantine. Cela leur permet de sortir du foyer, de rencontrer d’autres personnes et de tisser des liens sociaux, ce qui est essentiel pour leur insertion.
En fin de journée, nous privilégions les entretiens individuels, soit pour faire le point sur leur projet d’autonomie, soit pour aborder une difficulté particulière.
Et puis le soir, il y a le repas. C’est généralement un moment très convivial. Et après le repas, les jeunes participent aux PA (plans d’activités), où ils·elles réalisent différentes tâches ménagères, afin de les responsabiliser. Ensuite, les jeunes viennent souvent nous solliciter pour l’aide aux devoirs. Un bénévole vient d’ailleurs deux fois par semaine pour donner des leçons en mathématiques, géographie et histoire. Enfin, certains jeunes participent à des activités sportives en dehors du foyer.
Y a-t-il un moment particulier qui vous a marqué pendant votre carrière ?
À l’époque où je travaillais au foyer pour mineur·es à Crissier, j’utilisais l’ordinateur pour traduire avec des images. Un jour, un jeune originaire d’Éthiopie voulait me parler de son pays et de ses coutumes. En cherchant des images, nous sommes tombés sur une photo d’une femme en train de couper du blé dans un champ. Il m’a alors expliqué que, chez lui, on appelle ces femmes mama, puis il m’a demandé : Est-ce que je peux vous appeler Mama Fatima ?
Un autre jeune, qui avait entendu la conversation, a aussitôt repris l’expression. Peu à peu, c’est devenu un surnom affectueux, et encore aujourd’hui, certains continuent à m’appeler ainsi. C’est un beau souvenir, un moment de connexion sincère avec eux.
Qu’est-ce que vous retenez de votre carrière dans ce domaine ?
La première chose, c’est que toute relation est complexe. C’est important de toujours laisser un espace de dialogue ouvert, sans jugement. Rien n’est jamais acquis, alors j’essaie, à chaque rencontre, de garder un regard neuf et d’entrer dans le monde de l’autre avec humilité.
Travailler avec ces jeunes m’a apporté une richesse humaine incroyable. Ils grandissent, et je grandis avec eux.
Je retiens aussi l’importance de l’exemplarité et de la sincérité dans ce métier. Chaque jeune que nous accompagnons porte en lui une histoire marquée par l’exil. Derrière ce départ forcé, il y a un deuil : celui d’avoir quitté son pays, la famille restée au pays, parfois des violences subies. Et pourtant, beaucoup font preuve de courage et de volonté de s’intégrer dans le pays d’accueil. Notre rôle est donc de leur offrir un cadre sécurisant pour leur permettre de se reconstruire positivement. Chaque rencontre est une histoire unique.
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